- Non mais attendez ça va pas
être possible, j'vais pas y arriver !
Malgré mes efforts, la petite
dame restait désespérément bloquée en pyjama au bord de son lit. J’avais tenté
toutes les manipulations possibles et je n’arrivais toujours pas à la lever. Elle
glissait de plus en plus sur le bord, elle s’épuisait et je craignais qu’elle
finisse par tomber par terre. Elle était obèse, faisait presque deux fois
mon poids et elle s’enfonçait toujours plus profondément dans son matelas. Je
sentais poindre dans mon dos une vieille douleur que je pensais guérie et je
sentais monter en moi l’agacement de ne pas y arriver et la colère de devoir
encore une fois gérer une sortie d’hospitalisation foireuse à souhait.
J’avais reçu la veille un appel
me prévenant du retour au domicile de cette vieille patiente que je n’avais pas
vu depuis des mois. Depuis le départ, la famille voulait la mettre en maison de retraite et je désespérais
de la voir rentrer un jour. Et puis tout s’est enchainé : du jour au
lendemain je devais reprogrammer mon organisation de soins pour inclure cette
patiente dite « lourde »
qui n’avait plus sa place dans ma tournée.
Après plusieurs mois d’hospitalisation,
une vingtaine de kilo perdus et de la masse musculaire en moins, ma vieille patiente
toujours obèse et maintenant incontinente refaisait son retour dans cette maison absolument pas adaptée.
Elle ne pouvait plus se lever seule, se coucher seule, s'habiller seule et aller aux toilettes
seule mais elle était quand même rentrée chez elle, seule, avec juste ses
vêtements et de nouveaux traitements dans un sac... Et maintenant elle se retrouvait bloquée
au bord de son lit à se demander comment j’allais réussir à l’installer dans
son fauteuil roulant.
Forte heureusement pour moi, nous
étions à la veille de Noël et mon miracle de fin d'année sonna à la
porte. Il m’apparut sous la forme fraiche et motivée d’une auxiliaire de vie. A
deux, nous avons _ avec beaucoup de difficulté _ réussi à installer ma patiente
dans son fauteuil et à la préparer pour son petit déjeuner de réveillon… Mais comment est ce
que j’allais bien pouvoir la coucher ce soir ? Pourquoi aucun moyen n’avait
été mis en place pour sa sortie ? Aucune transmissions infirmières pour
expliquer ce qu’elle était devenue depuis tous ces mois, pas même un coup de téléphone
de son centre de convalescence… Demain c'est Noël et ensuite c'est le WE, comment j'allais m'en sortir toute seule à domicile ?
J’ai claqué la porte de ma
voiture en soupirant tout ce que je n’avais pas pu dire devant elle.
J’étais
énervée de cette sortie mal gérée. Je ressentais une vive douleur dans les
lombaires alors que je pensais pouvoir enfin offrir une pause à mon dos. J’étais
contente qu’elle soit revenue chez elle. Mais pas comme ça, pas pour devoir la
faire hospitaliser à nouveau. Je devais trouver une solution pour lui donner
toutes ces chances de rester à son domicile...
J’avais déjà vingt minutes de
retard alors que ma tournée venait juste de débuter et je devais échafauder un
plan pour gérer ce retour d’hospit’ mal foutu tout en continuant mes soins. Pour
ne pas perdre de temps, j’ai appelé en roulant le médecin traitant pour
demander en urgence un verticalisateur (une sorte de machine électrique qui
permet au patient de se redresser et de s’installer au fauteuil ou au lit). J’ai
ensuite contacté la pharmacie pour lui demander de le commander en super-méga-urgence en cette veille de Noël. Et puis, parce que j’avais besoin de
comprendre, j’ai appelé son centre de convalescence :